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LA VOIX DE NOSTERPACA

LA SECURITE DU RESEAU FERROVIAIRE FRANCAIS ENGAGEE ?

8 Février 2012 , Rédigé par nosterpaca Publié dans #DOCUMENT

Dans un courrier daté du 6 février 2012, la Fédération CGT des cheminots s'est adressée à Mme Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET Ministre de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement pour faire état de la dégradation du niveau de sécurité sur le réseau ferré national.

 

 

Madame la Ministre,

Le 3 novembre 2011, j’adressais un courrier à M. Mariani, Ministre des Transports, pour faire état de la dégradation du niveau de sécurité sur le réseau ferré national. Ce courrier, que je joins à cette lettre, était bien entendu construit à partir d’exemples précis qui font la démonstration que nous assistons à des dérives dangereuses liées à l’ouverture à la concurrence au niveau du Fret ferroviaire, la sous-traitance en cascade sur les chantiers, au manque de formation de certains salariés d’entreprises ferroviaires privées, à la suppression massive de cheminots qui se traduit par une surveillance et une maintenance réduite des installations. Cette stratégie, liée uniquement à des contraintes budgétaires, a aujourd’hui des conséquences très graves car la sécurité des circulations et des personnes est sérieusement menacée.

A ce jour, je n’ai reçu aucune réponse, si ce n’est un courrier de M. Mariani daté du 17 janvier 2012 m’informant qu’il a demandé à l’Établissement Public de Sécurité Ferroviaire de me répondre directement après avoir recueilli les éléments nécessaires. Je dois donc en déduire que plus de trois mois après des accidents graves engageant la sécurité des usagers, des cheminots et des salariés d’entreprises sous-traitantes, l’EPSF n’a toujours pas finalisé d’enquêtes permettant d’établir les causes de ces évènements et surtout de mettre en place des mesures correctives pour éviter toute récidive. Vous reconnaîtrez comme moi que c’est plus qu’inquiétant et je tiens à vous prévenir que votre responsabilité est engagée.

Au-delà du fait de me voir contraint à vous alerter sur ces faits, le courrier que je vous adresse aujourd’hui a aussi pour ambition de vous signaler que depuis, d’autres incidents et accidents tout aussi dangereux se sont produits. Cela signifie donc que nous sommes confrontés à une baisse significative du niveau de sécurité sur le réseau ferré national sans qu’il y ait intervention des autorités compétentes pour rectifier la situation.

 

Je vais donc vous relater quelques évènements qui devraient vous mettre en alerte :

 

Le 20 janvier 2012, les cheminots du triage de Miramas ont dû intervenir en urgence car

ils ont constaté une situation inimaginable. En effet, l’entreprise ECR a commandé une entreprise

privée pour découper au chalumeau un attelage d’une de leur machine. Cette opération a été engagée sans prévenir les responsables du triage, donc sans protection des voies, les agents découpaient à flamme vive à 1,5 mètre d’une citerne de gaz, les tuyaux du chalumeau passaient sous les wagons citernes.

Je vous signale que sur ces voies d’un site classé SEVEZO, les visiteurs de la SNCF travaillent avec des marteaux en cuivre pour éviter la moindre étincelle et que les consignes signalent que tous travaux sur des engins moteurs doivent être effectués hors du triage dans un centre de maintenance.

Mais une fois encore, nous sommes devant un constat : ECR ne respecte ni les règles de sécurité ni la réglementation du travail, les agents de cette entreprise ne sont même pas formés aux consignes sécurité des infrastructures où ils opèrent.

Le 25 janvier 2012, à Vierzon, un conducteur de la SNCF a constaté qu’un train d’ ECR tractionnait une rame banlieue du RER C dans un train dont la composition n’était pas conforme. Cette rame se situait entre deux lots de 10 wagons de marchandises. Cette situation peut vous paraître anecdotique mais elle est très significative. En effet, le fait de disposer cette rame dans une telle composition comporte deux risques majeurs liés aux différences de mise en œuvre du freinage entre les wagons de marchandises et les véhicules voyageurs : un risque de déraillement et un risque de déformation de la structure de la rame banlieue lors des freinages puissants. Des cheminots de la SNCF n’auraient jamais fait une telle erreur. Des questions se posent. Pourquoi l’entreprise ECR transporte-t-elle des rames du réseau Transilien entre la région parisienne et des ateliers de maintenance de la SNCF situés en province ? Pourquoi laisse-t-on circuler un train ainsi constitué ? Le conducteur de la SNCF a tenu à avertir à la fois un cadre en charge de la gestion des circulations et un cadre traction, les deux ont eu la même réponse : « C’est la concurrence, on ne peut rien leur dire au risque d’être accusé de pénaliser les entreprises privées. » Une fois encore, constat est fait qu’ECR ne respecte pas les règles les plus élémentaires du transport ferré.

C’est ça, Madame la Ministre, la concurrence libre et non faussée qui est appelée des vœux de tous, ces soi-disant experts qui veulent à tout prix voir le transport ferroviaire se libéraliser et s’ouvrir à des opérateurs privés.

Plus grave encore, l’accident survenu en gare du Nord le 1er février 2012 : c’est un isolateur de caténaire décroché qui a violemment frappé à la tête un conducteur d’un train du RER B.

Le pronostic vital de ce dernier est toujours engagé à l’heure où j’écris ces mots.

Toujours le 1er février, c’est un trou de 20 cm dans le rail qui a été décelé sur la ligne Tours-Poitiers où les trains circulent à 220 km/h ; la circulation a donc été bloquée. Alors que les cheminots organisaient la circulation des deux sens sur une seule voie, un convoi d’ECR s’est encastré à 25 km/h dans un train de Colas Rail arrêté par les signaux, ce qui a définitivement bloqué le trafic pendant deux journées. Ce sont les cheminots de la SNCF qui ont dû intervenir nuit et jour pour rétablir les circulations.

Si le train percuté avait été une rame TER, nous compterions aujourd’hui les morts. Si le wagon de queue du train arrêté avait été une trémie chargée, c’est la vie du conducteur d’ECR qui aurait été compromise. Ce qui est désolant, c’est que le conducteur d’ECR a eu pour réaction immédiate d’avertir sa hiérarchie pour informer que le train ne serait pas livré, plutôt que d’alerter le régulateur pour prévenir de l’accident et de l’engagement des voies voisines suite au choc qui a fait dérailler des wagons de son convoi.

Voilà quelles sont les conséquences d’une politique menée dans des entreprises privées où le business prime face à la sécurité des circulations ferroviaires. Dans le même temps, les dirigeants de la SNCF faisaient passer le message suivant : « Il n’est pas judicieux de dire que ce sont des trains de Fret du privé ». Encore la peur d’être accusé de discrimination face à la concurrence.

Le 3 février 2012, à Orléans, c’est un poteau caténaire qui est tombé. La cause de cet

incident : le poteau était rongé par la rouille, l’infiltration d’eau et le gel ont suffi à l’abattre. Les deux voies étant engagées et privées d’électricité, ce fut encore une interruption des circulations jusqu’au lendemain.

Les trois incidents originels, isolateur pendant, rail cassé et poteau caténaire abattu, trouvent leur source dans le défaut de surveillance et de maintenance des infrastructures. C’est donc directement lié à la suppression de brigades voies et caténaires de proximité chargées de ces fonctions essentielles sur le réseau et ses abords. Comme vous le constatez, Madame la Ministre, on ne peut pas poursuivre cette politique du risque qui consiste à supprimer des cheminots à statut et à étendre les périmètres d’intervention des brigades et des astreintes. C’est trop grave. Il est impératif qu’il y ait partout des agents SNCF de l’équipement, qualifiés et formés, qui soient en permanence sur le terrain, sur des territoires dont la dimension leur permet de faire leur travail. En matière d’infrastructure ferroviaire comme dans d’autres domaines, la prévention est la seule méthode pour garantir un réseau sûr et performant.

Depuis des mois, la fédération CGT des cheminots alerte sur les questions de sécurité ; nous avons écrit aux dirigeants de l’EPSF et de RFF, à la Direction de la SNCF, à Thierry Mariani, il semble qu’aucun de ces hauts dirigeants ne veuillent prendre la question au niveau requis. Il se peut que ces alertes - qui démontrent que le système ferroviaire éclaté ne fonctionne pas et que l’ouverture à la sphère privée pour les trains de fret et pour la réalisation des travaux sont à l’origine de cette baisse du niveau de sécurité - ne plaisent pas aux récipiendaires de ces courriers. Pourtant, partout en France, les élus et mandatés CGT dans les instances représentatives du personnel (DP, CHSCT, CE)

font les mêmes constats et tirent aussi de nombreux signaux d’alarme. Les cadres de la SNCF en charge du management de la sécurité sont de plus en plus nombreux à alerter leurs hiérarchies, mais ils sont aussi contraints au silence sous le prétexte de ne pas s’attaquer au dogme de la concurrence et de la sous-traitance des travaux.

Je vous demande donc une dernière fois de mettre en place des commissions d’enquêtes neutres et indépendantes et de prendre des mesures correctives rapidement car la situation devient à nos yeux intolérables. La fédération CGT des cheminots n’a pas comme principe d’instrumentaliser les évènements ou de se répandre dans la presse. Nous préférons interpeler les responsables plutôt que de salir l’image des cheminots et de la SNCF dans l’opinion publique. Je tiens toutefois à vous faire mesurer la situation et vous demande d’agir avant que des décisions soient prises trop rapidement concernant la gouvernance du système ferroviaire, son économie, une ouverture à la concurrence qui se généraliserait et la simplification de règles concernant le management de la sécurité.

Je suis désolé de devoir vous écrire, mais la situation se dégrade si vite que j’ai l’obligation morale de vous en informer.

Dans l’attente de vous lire, je vous pris d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de mes salutations les plus respectueuses.

Gilbert GARREL

Secrétaire Général

 

 

 

 

 COMMENTAIRE NOSTERPACA :

collision train Colas Rail et un train ECR 1si les syndicats sont souvent décriés en période de grève, il serait juste que les citoyens entendent leurs appels lancés pour sauver ce qui peut l'être encore de notre système ferroviaire français.

Les oppositions cultivées entre catégories sociales sont aujourd'hui bien dépassées. Seule une réaction convergente des forces économiques, sociales et citoyennes permettra de stopper la machine infernale du libéralisme frénétique. En souhaitant que le sursaut se produise avant que le pire n'arrive ...

 

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